Jeudi 4 mars
C’est dans la voiture-restaurant quasi déserte du train Yverdon-les-Bains – Genève Aéroport que je rédige ce journal de campagne. Cela fait quelques jours que le sujet de la mobilité tourbillonne dans mes pensées. Tous les candidats ont ce mot à la bouche, mais comme pour les autres sujets, ce mot ne recouvre pas du tout le même sens dans les esprits. Voici donc le résultat de mes cogitations, en indiquant que je suis moi-même pendulaire puisque travaillant à Genève Aéroport, dans un domaine sans grand avenir à mes yeux, l’aviation.
Pour les pendulaires motorisés, la mobilité à Echallens, c’est résorber les bouchons qui se forment aux heures de pointe. C’est faire bien peu de cas de notre environnement, car cela ne pourrait passer que par des aménagements supplémentaires destructeurs de surfaces agricoles, qui ne feraient que déplacer les problèmes ailleurs et n’apporteraient qu’une pseudo-solution temporaire, ouvrant la voie à du trafic supplémentaire et à de nouveaux engorgements. C’est aussi oublier que ceux qui demandent ces «améliorations» sont ceux-là mêmes qui sont la cause de ces problèmes par leurs choix personnels: usage d’un véhicule privé au lieu des transports publics, logement éloigné de leurs lieux de travail et de loisirs, achats dans de grands centres plutôt que dans nos commerces locaux. Nous avons là le choix d’une «sur-mobilité» ne générant au final que gaspillage d’argent public pour davantage de nuisances…
Pour les usagers des tl, cette entité lausannoise qui a détrôné le LEB qui servait le Gros-de-Vaud jusqu’en 2013, le Canton et la Ville de Lausanne font les beaux yeux: cadence à 15 minutes au lieu de la demi-heure, avec promesse de viser les 7,5 minutes à plus long terme en «offrant» un «RER» aux Lausannois désireux de coloniser les futures cités dortoirs du nord de la «capitale»… Mais voilà, c’est surtout un choix fait par Leurs Excellences cantonales vaudoises, choix que soutiennent les Autorités de la ville de Lausanne qui rêvent d’un «Grand Lausanne», avec à la clé un nouveau niveau de pouvoir dont ceux qui détiendront les clés ne seront pas élus, cette entité se glissant entre communes et canton (pratique pour les jeux de pouvoir…).
Question: avons-nous vraiment besoin de cela pour notre région et notre commune? A mon humble avis, non. Le fait de dégrader le chemin de fer LEB en vulgaire tram interurbain n’a pour seul but que d’amarrer Echallens et le Gros-de-Vaud à l’agglomération lausannoise.
Les conséquences? Pression croissante à bâtir davantage de logements, perte d’identité du bourg, nuisances et dégradations (déjà visibles), toujours plus d’habitants non employés dans la région et forcés à penduler entre cités-dortoirs et Lausanne… Sans oublier les prochains travaux pharaoniques que les détenteurs du pouvoir se retiennent bien de crier sur les toits: refonte de la gare routière tl / CarPostal, possibilité de déplacer la gare d’Echallens, regroupement des haltes de Grésaley et Sur Roche, enterrement de la voie tl sous le chemin du Stand et la route de Moudon (ce qui sera un appel d’air pour le trafic routier sur cet axe…), avec comme corollaire la démolition d’infrastructures qui sont loin d’être anciennes (dépôt-atelier du LEB, bâtiments de la gare, station de Sur Roche); bref, encore des millions jetés par la fenêtre, des millions qui sortent de la poche des contribuables, rappelons-le.
Le «monde d’avant», celui d’avant la pandémie, se doit de céder la place à un autre monde, cela pour surmonter les crises déjà connues et qui perdurent dans leurs effets (financière en 2008, sanitaire en 2020, effondrement de la biodiversité et de la biosphère, dérèglement climatique), mais aussi celles qui sont à nos portes ou ne se font pas encore assez sentir (crises économique, financière, épuisement des ressources naturelles…). La Suisse n’est pas exemplaire dans ce combat, malgré les propos rassurants qui nous placent comme champions du recyclage: efforts insuffisants dans la réduction des emballages, efforts quasi absents dans le domaine de la mobilité souvent futile, territoire se bétonnant de plus en plus…
Soyons réalistes et assumons ce fait: nous devrons changer en profondeur pour devenir un tant soit peu vertueux. Cela ne veut pas dire revenir au Moyen-Age comme le clament immédiatement les partisans de l’immobilisme face aux défis; cela veut dire consommer beaucoup moins, mais beaucoup mieux!
La mobilité dans le «monde d’après», pour lui donner un nom, est aussi (surtout?) du domaine de la politique locale (communale), les instances cantonales, fédérales et internationales ayant déjà largement fait la preuve de leur inaction, ou se limitant à des mesurettes cosmptiques. Voici quelques pistes que je jette dans le grand chaudron des débats à tenir:
- Cadence de la desserte tl par rail limitée à 15 minutes en semaine sur le territoire du district du Gros-de-Vaud (les habitants du district de Lausanne, au-delà d’Etagnières, sont libres de choisir d’être phagocytés par la capitale avec une fréquence plus élevée, limitée à Cheseaux) et 30 minutes les samedis et dimanches;
- maintien de la gare et des deux haltes actuelles, et création éventuelle d’une halte vers le passage-à-niveau de La Villaire;
- création de zones 20 et/ou modification de la circulation dans certaines voies urbaines pour éviter les nuisances en décourageant le transit routier motorisé hors des axes principaux traversant Echallens;
- étudier la possibilité de créer une ou plusieurs zones piétonnes, en intégrant les commerçants locaux dans un tel projet, leurs clients n’étant de loin pas tous Challensois;
- accès à la gare limité aux services de CarPostal et aux taxis (avec création éventuelle d’une zone de dépose rapide le long de l’avenue des Terreaux pour les clients de La Poste, de la BCV ou des tl;
- autant que possible, création de pistes cyclables et piétonnières physiquement séparées du trafic routier motorisé, pour promouvoir la mobilité douce dans la commune, et donnant accès aux centres scolaires depuis les différents quartiers, un tel axe le long de la voie ferrée étant aussi imaginable;
- etc.
Voilà de quoi lancer des heures de débats passionnants et passionnés, non? Ne reste qu’à y ajouter vos propres idées pour une autre mobilité, respectueuse de notre biosphère, de nos ressources, et des riverains. Et, si vous ne l’avez pas déjà fait, n’oubliez pas d’aller voter… à pied ou à vélo de préférence…